Aujourd’hui, dans nos Portraits d’Aviateurs du Québec, je vous présente Serge Mongeau, nouvelle recrue chez les pilotes de brousse! J’avais le goût de suivre ses premiers pas et de vous présenter le parcours de quelqu’un qui débute en pilotage de brousse au Québec, pour le loisir.
Serge, raconte-nous qui tu es.
- Je suis de Laval, maintenant entrepreneur en construction, retraité du Service police de Laval après 30 ans de service. Avec mon fils nous sommes spécialisés en restauration après-sinistre et rénovation de système intérieur.
Qu’est-ce qui t’a amené en aviation?
- L’idée de base, contrairement à plusieurs pilotes, ce n’est pas la passion de voler mais plutôt le désir de découvrir des territoires isolés. De voler d’un lac à un autre, de pouvoir explorer des endroits que je n’avais pas accès normalement. Amateur de plein air et de pêche, c’est un rêve qui se réalise.
Donc tu n’avais pas tant la soif de voler?
Ce n’était pas tant le vol qui m’intéressait que l’exploration. La capacité de voir des régions que je n’aurais pas accès sans
avion. Et je dois t’avouer que je n’aimais pas particulièrement les avions sur roues.
Moi, me promener d’un aéroport à un autre… ouf.
Où as-tu fait ta formation? L’as-tu fait directement sur flotte?
Non, je l’ai fait sur roue, un Cessna 172 à Mirabel.
Ok, donc tu détiens une licence de pilote privé sur roue? Ensuite, tu es allé faire tes flottes où?
J’ai fait mon test en vol sur roues en mai 2019. Mon avion était déjà choisi et je l’ai acheté la semaine suivante. J’ai fait mon annotation hydravion sur mon avion avec un pilote hors pair : Francis Bélanger, pilote aux multiples expériences : pilote de chasse de l’Armée canadienne, pilote de chasse sur porte-avion américain, pilote pour « Les ailes d’époque ». Il est aussi commandant et instructeur pour Air Canada. J’ai appris énormément avec Francis!
Mon float rating a mis du temps : 20 heures et je considère que c’est de base. Les 7 heures requises par TC ne sont pas réalistes, il y a tellement à apprendre.
Par la suite, j’ai fait mes propres expériences seul. Je peux vous dire que c’est là que tout ce que tu as appris s’assimile. C’est en faisant nos propres erreurs que l’on retient le plus d’enseignement. J’ai décidé de continuer mon apprentissage en mode coaching. Un ami m’avait recommandé Jason Nadler. J’ai fait plusieurs vols avec ce coach de brousse; je considère que ce n’est jamais de trop. Jason est commandant chez Sunwing et possède une grande expérience sur flotteurs. Je recommande les deux fortement. Ils ont fait une énorme différence dans mon apprentissage.
Le vol de brousse, c’est vraiment une autre réalité que l’école ne peut t’enseigner. Ça prenait de bons coachs après la formation initiale. J’ai été chanceux.
Jason Nadler Francis Bélanger
Quel est ton avion?
-Cessna 180J: J’ai fait mon annotation « hydravion » sur mon 180. C’est à ce moment que ma passion s’est vraiment développée. Quand je me suis retrouvé sur des lacs, des rivières, plus de contrôle, c’était la liberté totale! Les vols à destination de Joliette, Sorel, Drummondville, Mirabel : aucun intérêt pour moi. Je suis un gars qui préfère de grandes régions sauvages. Voler, c’est excitant. Mais mon intérêt consiste à découvrir des territoires isolés, des endroits sauvages où l’on ne peut y aller sans avion. C’est ça que je voulais.
Est-ce indiscret de te demander quel budget tu as mis pour l’achat?
L’acquisition initiale était de 130 000$. Par contre, l’avion avait besoin de beaucoup de réparations. J’ai investi plus de 80 000$ pour le mettre à mon goût : j’ai ajouté et remplacé plusieurs instruments, refait l’intérieur et l’extérieur, plusieurs réparations, tout est refait à neuf. J’ai ajouté des Wing extension, Kenmore Kit, augmentant mon « usefull load ». Pour prendre soin de mon avion, j’ai eu l’assistance de Mathieu Lamontagne « Mécano Air Services », Jocelyn Bombardier ‘’Drummond Aeropaint’’ et Rembourrage Milot.
Quel secteur voles-tu?
Je vais à mon camp : secteur Chapais-Chibougamau, donc en territoire
Cri : Lac Opawika. J’ai deux chalets à cet endroit qui me servent de base
pour aller plus loin. L’été, j’y vais en hydravion et l’hiver en motoneige.
Y vas-tu sur ski?
Non, pas sur ski, car le niveau du lac fluctue beaucoup; tu peux avoir plusieurs
pouces de slush. De plus, j’ai besoin d’un moyen de transport rendu à destination.
Quelles difficultés as-tu rencontrées pendant ta formation ou dans ta nouvelle vie de pilote de brousse?
Ha! L’avion sur flotteurs, ce n’est pas assurable pour un nouveau pilote! La dernière fois que j’ai demandé à l’agent combien d’heures je dois faire avant qu’ils puissent m’assurer pour plus que la responsabilité civile, elle m’a répondu 300 heures. D’autres parlent de 150 heures, je suis donc assuré pour la responsabilité civile that’s it, that’s all.
Parle-nous un peu de la différence entre le vol que tu as appris, sur roue, pour obtenir ta licence de pilote privé et le vol de brousse que tu fais maintenant.
Depuis mon PPL, j’ai fait au moins le double d’apprentissages. L’aspect est totalement différent : tu n’es plus contrôlé, tu n’as pas d’information météo. C’est du nouveau pilotage pour moi. Tu es seul, pas d’autres avions à proximité. Je vole en Territoire Cri, les avions sont plutôt rares. Je compense avec de l’équipement : j’utilise Foreflight et un deuxième GPS Garmin, j’étudie attentivement les cartes météo et surtout, je ne prends pas de chance : j’ai une balise Garmin-In-Reach avec laquelle je peux même texter, c’est pratique pour mon itinéraire de vol, il y a un bouton d’urgence que tu peux actionner en cas de détresse en complément de la balise ELT de l’avion.
Comment choisis-tu où te poser?
Je peux me poser où je veux. Les lacs et rivières sont en faites des centaines de pistes. C’est très sécurisant de voler avec un hydravion au nord du Québec. Je choisis en fonction de mes besoins et des conditions météo, de la configuration des lieux, la possibilité de sortir sécuritairement.
Question typique pour ceux qui ne font pas encore de la brousse : et les mouches noires?
Les mouches noires? Ha! C’est un mode de vie, on y est habitué. On les élève à mon camp. Ça et les maringouins, ça fait partie du décor. Par contre, si tu n’es pas préparé ça peut vite devenir un enfer. Un conseil pour ceux qui volent dans ces secteurs, un vêtement antimoustique et un répulsif, c’est un « must ».
Parle-nous de ta transition vers le vol de brousse?
Je te dirais que maintenant, 80% de ma préoccupation, c’est la météo. Entre autres, les vents. Comment tu décolles? Sur un cours d’eau, ce n’est pas toujours face au vent! Sur un lac, si tu as une montagne devant et un vent qui provient de cette montagne: tu peux te faire rabattre! Tu dois avoir un plan, une « trail » comme dirait Francis pour sortir.
Les cellules orageuses, les fronts froids, le plafond qui peut te jouer des tours et t’empêcher de poursuivre à une altitude sécuritaire.
J’ai aussi appris de vrais shorts landings (atterrissages courts), des décollages courts, il faut apprendre à connaître les limites de ton avion.
J’avais prévu faire ma progression en étape, l’expérience arrive parfois de façon inattendue, jusqu’à maintenant ça va bien mais je crois qu’il vaut mieux se préparer à toutes sortes de situations avec des pilotes d’expériences afin de maximiser tes compétences.
Quelles sont ces étapes?
La 1ère année : perfectionnement et prise en main de l’avion. J’ai fait ça dans les Laurentides.
La 2e année : Mon premier vol voyage dans des territoires isolés, dont mon camp près de Chibougamau. J’ai navigué autour. J’ai expérimenté des conditions glassy water (eaux miroitantes), décollage, amerrissage. Comme mentionné plus tôt, short landing en raison de la direction du vent et la configuration du lac, bref, plusieurs cas qui construisent nos compétences.
L’an prochain ce sera ma 3e année : je vais faire du camping sauvage en région éloignée, nous voulons simuler un cas de survie en forêt et « tester » nos équipements. Essayer de nouveaux secteurs. J’aimerais me rendre dans le secteur de la baie James en haut près de la baie d’Hudson. Je veux continuer de me former avec mes coachs.
Plusieurs pilotes d’expériences me disent que lorsque j’aurai 500h, c’est là que je dois me surveiller.
C’est là que tu te penses bon. Les vieux pilotes de brousse le disent tous, ils ont tous des anecdotes.

Décollage lac Opawica près du poids maximum, en ‘’eaux miroitantes’’
Y a-t-il un défi particulier dans le vol de brousse?
-Oui, le fuel. Je peux gazer à Chapais-Chibougamau (lac Laden), mais c’est cher : 2,30$/litre. Il y a aussi certaines Pourvoiries qui vendent du 100LL. J’emmène du gaz par la route avec mon pick-up au printemps. 35 gallons à mon chalet. Donc il faut prévoir pour le fuel. Mais sinon, c’est une liberté totale. Mais tu es responsable en maudit de ton sort. En particulier la météo! Je fais toutes les formations avec Aviateurs Québec. Il y a du monde qui ont de l’expérience là-dedans!
Quel est ton plus grand coup de cœur jusqu’à présent?
- Les aurores boréales et le réservoir Gouin du haut des airs, c’est majestueux!
Voles-tu seul?
Non, avec ma copine la plupart du temps. Elle me suit. J’aimerais qu’elle fasse son cours, ou du moins savoir poser l’avion s’il y a un souci. Mon fils m’accompagne aussi. Et mon chien Rosco!
Est-ce que tu trouves que ça prend des aptitudes particulières pour voler en brousse?
Ma formation de moniteur en patrouille nautique de la SQ, avec technique avancée de récupération m’a beaucoup aidé! Quand c’est le temps d’amener mon avion à quai, ça devient un bateau alors, j’ai beaucoup d’expérience!
J’ai une formation en orientation, j’ai fait des compétitions « d’Orienteering ». Je pense qu’il y a un minimum à maîtriser avant de s’aventurer dans des secteurs loin de toute civilisation.
As-tu des conseils pour la relève?
En vol voyage, je n’y vais jamais seul. C’est certain qu’un deuxième pilote c’est l’idéal, c’est pour ça que ma conjointe va faire sa formation.
Les heures acquises règlementaires ne sont pas réalistes. D’après moi, ça prend un minimum de 20h sur flotteurs pour se lancer seul. Il faut expérimenter et apprendre à lire les lacs, les vents, les montagnes, la combinaison de ceux-ci. Il faut se créer un schéma d’approche à chaque fois, un plan de sortie, pas juste « focusser » sur le posé-décollé.
Un 172 ça pardonne plus qu’un 180 ou un 185 alors je crois qu’il est préférable d’apprendre sur l’avion que vous allez voler.
Merci, Serge, de nous avoir partagé ton histoire!
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